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Lorsque Beethoven annonce sa surdité |
L'une des particularités les plus surprenantes de Ludwig van Beethoven est qu'il était sourd. Comment un musicien, un compositeur, peut-il ne plus posséder le sens que l'on imagine le plus important pour lui ? C'est à ses amis géographiquement les plus lointains, mais en qui il a toute confiance, auxquels il se confie en premier : ceux qui vivent à Bonn. Lorsqu'il ne pourra plus rien cacher, il utilisera des cahiers de conversation dans lesquels ses visiteurs marquaient ce qu'ils voulaient lui faire savoir ou lui posaient des questions. De ce fait, il nous manque le plus important pour mieux appréhender la personnalité du composteur : ce qu'il leur répondait... Voici quelques extraits de deux lettres, datées de 1801, dans lesquelles Beethoven dévoile sa surdité grandissante à ses amis. |
Lettre de Beethoven à Karl Amenda, |
"... Sache que la plus noble partie de moi-même, mon ouïe, s'est beaucoup affaiblie..." "... Quelle triste vie est maintenant la mienne ! Éviter tout ce qui m'est aimé, et à quoi je tiens..." "... Oh, comme je serais heureux si mes oreilles étaient en bon état ! ...;" "... Bien sûr, j'ai pris la résolution de me dépasser en surmontant tout cela, mais comment sera-ce possible ? ..." "... Ce que je t'ai dit de mon ouïe, je te prie de la garder tout à fait secret, et de ne le confier à qui que ce soit..." |
"... Depuis trois ans, mon ouïe est toujours devenue plus faible. cela doit venir de la maladie intestinale dont je souffrais déjà autrefois..." "... Depuis presque deux ans, j'évite toute société, car je ne peux pas dire aux gens : " je suis sourd". Si j'avais n'importe quel autre métier, cela serait encore possible ; mais dans le mien, c'est une situation terrible..." "... Dans la conversation, il est surprenant qu'il y ait des gens qui ne l'aient jamais remarqué ; comme j'ai très souvent des distractions, on met tout sur leur compte. Quand on parle doucement, j'entends à peine ; oui, j'entends des sons, mais pas des mots ; et d'autre part, cela m'est intolérable dès qu'on crie..." |
Extraits d'une lettre de Beethoven à Franz
Gerhard Wegeler, |
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Les soins apportés à sa surdité, racontés par Beethoven |
Laissons Beethoven évoquer lui-même les divers soins qu'il lui ont été recommandés par des médecins pour sa surdité et ses "entrailles" (extrait de la même lettre de Beethoven à Franz Gerhard Wegeler que précédemment, datée du 29 juin 1801) :
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Quelles origines a la surdité de Beethoven ? |
Nous savons que le talent de Beethoven ne diminua jamais face à l'importance croissante de sa surdité. Mais quelle est son origine ? Aucun spécialiste de la surdité n'existe à l'époque : tout reste à découvrir. Alors, si nous ne le saurons jamais avec certitude la cause, voici tout de même quelques avis... |
Le Docteur Wagner pratiqua l'autopsie de Beethoven, le 27 mars 1827. Bien que l'originale de son compte-rendu ait-été perdu, une copie a été conservée. En voici un court extrait : "... Le cartilage de l'oreille apparaissait de grande dimension et de forme irrégulière. La fossette scaphoïde, et surtout le pavillon, étaient très vastes et avaient une fois et demie la profondeur habituelle...". |
Cahier de conversion
utilisé par Beethoven |
Cornets accoustiques de Beethoven fabriqués en 1813 par Johann Nepomuk Maelzel |
Cent ans plus tard, le Docteur Marage évoque la surdité de Beethoven lors de la séance de l'Académie des Sciences les 9 janvier et 23 janvier 1928, ainsi que le 2 décembre 1929. Il estime que la surdité de Beethoven est due à une labyrinthite d'origine intestinale, c'est-à-dire une lésion de l'oreille interne. Selon le Docteur Marage, qui a étudié les lettres de Beethoven, les bourdonnements et autres bruits ont commencé à se faire entendre dès 1796. La surdité commence dès 1798 et Beethoven a perdu 60 % de son ouïe en 1801. En 1816, la surdité est complète. |
Par ailleurs, le docteur Marage indique que l'ouïe était un organe hypersensible chez Beethoven et, qu'en conséquence, plus exposée à une maladie. Son diagnostic est donc la labyrinthite : "... Lorsque la surdité débute par des sons aigus, et surtout lorsqu'elle est précédée de bourdonnements, de sifflements et de sensibilité exagérée pour la voix criée, il s'agit d'une liaison interne, en comprenant sous ce nom, le labyrinthe et les centres cérébraux, d'où émargent les diverses branches du nerf acoustique..." |
Le Professeur Porot et la Docteur Miermont évoque la surdité de Beethoven dans leur ouvrage de 1986 "Beethoven et les malentendus". Les auteurs précisent : "... En particulier, l'état de la chaîne des osselets nous sera toujours inconnu..." Néanmoins, se basant sur les écrits de Beethoven, les dates et les symptômes qu'il décrit, ils résument les observations : "... Il s'agissait donc d'une surdité débutante chez un sujet jeune, sans antécédents otitiques connus, ni antécédents familiaux de surdité, à évolution progressive, sans aucune amélioration par les divers traitements qui ont été préconisés par ses médecins..." Les deux auteurs diagnostiquent : "... soit la neurolabyrinthite, soit l'otospongiose (ou labyrinthique)...". Et précisent, en ce qui concerne l'une des causes probables : "... la grande pourvoyeuse de surdités de l'époque : la syphilis...", tout en pointant que jamais la preuve a été fournie que "... Beethoven aurait été atteint de syphilis dès la fin de l'adolescence...". |
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Qu'est-ce qu'une labyrinthite ? |
Voici ci-après la définition complète de la labyrinthite du site Vulgaris Médical (encyclopédie de vulgarisation medicale sur la médecine et la santé). Il est singulier de noter l'importance de vertiges chez les personnes atteintes de labyrinthite. Or, aucun document parvenu jusqu'à nous, ni de la main de Beethoven, ni de ceux qui l'ont connu, ne mentionne de vertige. Le mystère demeure... |
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