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Antonín Rejcha (Antoine Reicha dans sa forme francisée) est sans doute le compositeur tchèque qui a le plus influencé l'école française. Alors, le compositeur tchèque le plus français ou le compositeur français le plus tchèque ? Peu importe ! Antoine Reicha est né à Prague le 25 février 1770. Peu satisfait de son éducation, il s'en va de chez lui à l'âge de 10 ans pour rejoindre son oncle, le compositeur Josef Rejcha (1746-1795) en poste dans l'orchestre des princes Öttingen à Wallenstein en Franconie. Josef Rejcha quitte Wallenstein pour Bonn, entre dans l'orchestre du prince électeur de Cologne et emmène son neveu avec lui (1785). Tout en suivant des cours à l'université de philosophie et de mathématiques, le jeune Antonín joue de la flûte dans l'orchestre de la cour. Il se lie d'amitié avec Beethoven du même âge que lui. L'orchestre est dissous. Il lui faut partir à Hambourg où commence sa carrière de compositeur (1794-1799). Une première tentative pour s'établir à Paris se solde par une déception. Reicha rejoint Vienne (1802-1808). A l'âge de 32 ans, il approfondit ses connaissances avec Salieri (toujours en poste à la cour) et Albrechtsberger. Joseph Haydn, le musicien qu'Antonín Reicha admirera toute son existence, le reçoit et le conseille. Beethoven est installé à Vienne. Les deux hommes se revoient avec plaisir. De nombreuses compositions datent de ce fécond séjour viennois. Mais Reicha est un homme résolument moderne, précurseur, indépendant d'esprit, sensible aux idées des lumières qui soufflent sur l'Europe depuis Paris. En 1808, il décide de revenir en France. Sa réputation d'excellent compositeur l'a précédé. Reicha s'impose grâce à sa culture, son ouverture d'esprit, son cosmopolitisme, sa capacité de travail, son savoir faire en théorie et en composition musicales. Son écriture s'est affranchie. Reicha ne va alors cesser de faire des recherches, d'innover, d'expérimenter, d'aller de l'avant, d'agiter les idées. "J'ai toujours été poussé par le désir de composer quelque chose d'extraordinaire... Je n'y parvenais jamais mieux que lorsque je procédais à des combinaisons et exploitais des idées auxquelles mes prédécesseurs n'avaient jamais pensé". Parfois, cette profusion d'inventions met certains mal à l'aise : "Monsieur Reicha a trop tendance à gaspiller ses idées, cette musique témoigne d'un manque de maîtrise de la forme" (Louis Spohr). Ces réflexions ne rappellent-elles pas curieusement le "trop de notes" de Joseph II à Mozart lors de la première de son Enlèvement au sérail à Vienne ? Reicha excelle, peut-être à cause de ces origines tchèques, dans l'écriture pour les instruments à vent. Il entretient des relations d'amitié avec quelques-uns des meilleurs virtuoses français pour lesquels il écrit ses quintettes à vent et de la musique de chambre : le flûtiste Joseph Guillou, le hautboïste et cor anglais Gustave Vogt, Louis François Dauprat le corniste, le clarinettiste Jacques-Jules Bouffil ou encore le bassoniste Antoine Nicolas Henry, professeurs au Conservatoire. Le voilà nommé, en 1818, professeur de contrepoint et fugue dans ce prestigieux établissement dirigé par Luigi Cherubini. Juste reconnaissance pour ce musicien d'avant-garde. Son goût de la pédagogie concourre à l'épanouissement de toute une génération de compositeurs qui deviendront célèbres : Berlioz, Gounod, Adam, Franck, Flotow, Vieuxtemps, Onslow, Liszt... Peut-être cette intense activité pédagogique et sa réputation de professeur ont-elles éclipsé, en partie, son merveilleux savoir-faire de compositeur. En 1826, il cesse de composer pour se consacrer exclusivement à l'enseignement et à ses écrits théoriques. Il succède à Boieldieu à l'Académie Française en 1835 et meurt en 1836. Nomenclature des œuvres pour hautbois ou cor anglais d'Antoine Reicha
Enregistrements
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| Eric Baude, novembre 2002 |
Trouver des CD d'Anton Reicha |
C'est à Antoinette Virginie, la fille d'Antoine Reicha, que nous devons les manuscrits où le compositeur parle de ses 24 quintettes pour vents. On ne peut qu'être surpris du jugement de Reicha lorsqu'il avance que "les instruments à vent n'avaient pas de bonne musique classique, mais pas même de bonne musique. Les compositeurs célèbres n'ont rien écrit pour ces instruments soli parce qu'ils ne les connaissaient qu'imparfaitement" quand on pense, en autres, aux sérénades de Mozart ! Reicha, en bon promoteur de son œuvre, a-t-il voulu noircir la situation pour mieux vanter ses propres mérites ? La parole est au maître.
* Joseph Guillen, flûtiste français et professeur au Conservatoire de Paris. Élève de Reicha en théorie de composition. Jacques Jules Bouffil, clarinettiste, et Henry, bassoniste, sont professeurs au Conservatoire de Paris ou membres de l'orchestre du Théâtre. |
| Anton Reicha : "Mes quintettes pour vents" |
Antonín Reicha eu Berlioz dans sa classe de contrepoint, au conservatoire de Paris. D'un tempérament naturellement froid et porté à l'observation plutôt qu'à l'action, Reicha avait bien vite reconnu que les difficultés, les chagrins, les déboires de toute espèce que le compositeur doit nécessairement rencontrer à chaque pas, en France surtout, avant d'arriver à l'exhibition de ses œuvres, étaient en trop grand nombre pour la persévérance dont il se sentait doué. Prenant philosophiquement son parti, il se détermina donc de bonne heure à profiter de l'occasion quand elle se présenterait mais à ne point perdre son temps ni sa peine à la faire naître, et surtout à ne jamais s'acharner péniblement à sa poursuite. Il écrivait tranquillement ce qu'il lui plaisait d'écrire, accumulant, œuvre sur œuvre, messes, oratorios, quatuors, quintetti, fugues de piano, symphonies, opéras, traités ; faisant entendre les uns quand il pouvait, graver les autres quand ses ressources le lui permettaient, se fiant à son étoile pour le salut du reste, et toujours tranquille dans sa marche, sourd à la voix de la critique, peu sensible à l'éloge ; il n'attachait extérieurement de prix qu'aux succès des jeunes artistes dont l'éducation lui était confiée au Conservatoire et auxquels il donnait ses leçons avec tout le soin et toute l'attention imaginables. |
| Hector Berlioz : Journal des Débats, 3 juillet 1836 |
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