La Symphonie Pastorale est écrite pour un grand orchestre.
L’orchestration comporte :
- le quintette à cordes (premiers et seconds violons, alti, violoncelles, contrebasses) ;
- les bois : 1 flûte piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes et 2 bassons ;
- les cuivres : 2 cors, 2 trompettes et 2 trombones ;
- 2 timbales.
A noter que :
1- dans le second mouvement : la partie de violoncelle se réduit à deux solistes jouant avec sourdine, alors que le reste du pupitre des violoncelles se joint aux contrebasses (avec écart d’une octave) ;
2- la flûte piccolo ne joue que dans l’orage ;
3- les trompettes jouent uniquement dans les mouvements 3, 4 et 5 ;
4- les trombones interviennent d’une part dans l’orage, en lui donnant un caractère menaçant, d’autre part dans le cinquième mouvement, en lui apportant une certaine majesté ;
5- les timbales interviennent peu, ce qui est exceptionnel chez Beethoven, et cela uniquement dans l’orage.
Structure
A la différence des autres symphonies du compositeur, c'est sa seule symphonie "à programme", alors que la très grande majorité de ses œuvres relève de la musique pure. Elle est écrite en hommage à la Nature qu’elle évoque au sens le plus noble.
Beethoven intitula sa Sixième symphonie : "Pastoral Symphonie : mehr Ausdruck der Empfindung als Malerei" (Symphonie Pastorale : plus expression du sentiment que peinture). De façon inhabituelle, cette symphonie comporte cinq mouvements, chacun possédant un titre, de la main même du compositeur. Les 3 derniers mouvements se suivent sans interruption.
Premier mouvement : Allegro ma non troppo/ en fa majeur - "Erwachen heiterer Empfindungen bei der Ankunft auf dem Lande" (Éveil d'impressions agréables en arrivant à la campagne)
Ce mouvement, contrairement à la coutume, débute "ex abrupto", sans introduction.
Ceci commençait déjà à se voir chez Mozart (exemple : la 40e Symphonie en sol mineur) et Haydn (exemple la 95e Symphonie en ut mineur), mais de façon exceptionnelle.
Beethoven avait auparavant supprimé l’introduction lente dans ses symphonies 3 et 5.
Ce mouvement, de forme sonate, débute sur une pédale des alti et des violoncelles, et le thème principal est immédiatement chanté par les premiers violons :
Ce thème est repris par le hautbois, puis joué par tout l’orchestre.
Ce thème-leitmotiv, d’une grande simplicité semble avoir été emprunté à un air populaire de Bohème (où le compositeur séjourna, notamment pendant l’été de 1806, dans la famille Brunswick). Le second thème, encore plus chantant, dérive du premier. La répétition continue de ces thèmes assure un climat unique, empreint de paix et de sérénité.
Le développement se fait sur le thème principal, répété inlassablement, sur la même formule rythmique.
La réexposition est encore basée sur ce thème-leitmotiv et se termine par une coda brève.
Hector Berlioz dans ses commentaires sur les symphonies de Beethoven a écrit :
« Cet étonnant paysage semble avoir été composé par Poussin et dessiné par Michel-Ange. L’auteur de Fidelio veut peindre le calme de la campagne, les douces mœurs des bergers. C’est de la nature vraie qu’il s’agit ici. Il intitule son premier morceau : "Sensations douces qu’inspire l’aspect d’un riant paysage". Les pâtres commencent à circuler dans les champs, avec leur allure nonchalante, leurs pipeaux qu’on entend au loin et tout près; de ravissantes phrases vous caressent délicieusement comme la brise parfumée du matin ; des vols ou plutôt des essaims d’oiseaux babillards passent en bruissant sur votre tête, et de temps en temps l’atmosphère semble chargée de vapeurs; de grands nuages viennent cacher le soleil, puis tout à coup ils se dissipent et laissent tomber d’aplomb sur les champs et les bois des torrents d’une éblouissante lumière ».
Deuxième mouvement : Andante molto moto /en si bémolmajeur (on trouve parfois l’indication "molto mosso") - "Szene am Bach" (Scène au bord du ruisseau)
C’est un morceau d’une très grande douceur, et le mouvement de l’eau est clairement imité.
Le premier motif est chanté par les premiers violons, sur un fond harmonique formé par les seconds violons, les altos et deux violoncelles soli avec sourdines.
Le mouvement se déroule en diverses modulations, faisant jouer un rôle important aux bois. En effet on aura rarement entendu chanter aussi bien les bois (flûte, hautbois, clarinette et même le basson).
Dans la coda sont individualisés trois oiseaux : le rossignol (flûte), la caille (hautbois) et le coucou (clarinette).
Berlioz a écrit :
« Cette Scène au bord de la rivière est une Contemplation... L’auteur a sans doute créé cet admirable mouvement, couché dans l’herbe, les yeux au ciel, l’oreille au vent, fasciné par mille et mille doux reflets de sons et de lumière, regardant et écoutant à la fois les petites vagues blanches, scintillantes du ruisseau, se brisant avec un léger bruit sur les cailloux du rivage ; c’est délicieux ».
Troisième mouvement : Allegro/ en fa majeur - "Lustiges Zusammensein der Landleute"
(Réunion joyeuse des paysans)
C’est un Scherzo rapide qui fait entendre un motif au rythme de danse populaire endiablée, lequel est suivi par une sorte de ländler joué par le hautbois, ponctué à contretemps par le basson.
Notons, dans ce scherzo, le rôle important des cors, jouant souvent à découvert.
En guise de trio se trouve un allegro rustique à 2/4, fortissimo, rythmé par les vents et les basses.
Après la reprise du scherzo et du trio, une transition aboutit au quatrième mouvement.
Berlioz écrivit :
« Le poète nous amène à présent au milieu d’une Réunion joyeuse de paysans. On danse, on rit, avec modération d’abord; la musette fait entendre un gai refrain, accompagné d’un basson qui ne sait faire que deux notes…La danse s’anime, devient folle, bruyante. Le rythme change; un air grossier à deux temps annonce l’arrivée des montagnards aux lourds sabots; le premier morceau à trois temps recommence plus animé que jamais: tout se mêle, s’entraîne; les cheveux des femmes commencent à voler sur leurs épaules; les montagnards ont apporté leur joie bruyante et avinée; on frappe dans les mains; on crie, on court, on se précipite; c’est une fureur, une rage ».
Quatrième mouvement: Allegro en fa mineur - "Gewitter - Sturm" (Orage-Tempête)
C’est le seul mouvement en mineur, seul à faire appel aux timbales, il est en quelque sorte "en surnombre", sans quoi la symphonie serait tout à fait classique en quatre mouvements.
Il commence sur un trémolo des contrebasses et violoncelles. Et aussitôt les seconds violons, pianissimo et en notes piquées, semblent imiter la pluie.
Soudain, l’orchestre tout entier, avec ses cuivres puissants, se déchaine, de façon saisissante.
Citons encore Berlioz :
« Je désespère de pouvoir donner une idée de ce prodigieux morceau; il faut l’entendre pour concevoir jusqu’à quel degré de vérité et de sublime peut atteindre la musique pittoresque entre les mains d’un homme comme Beethoven. Écoutez, écoutez ces rafales de vent chargées de pluie, ces sourds grondements des basses, le sifflement aigu des petites flûtes qui nous annoncent une horrible tempête sur le point d’éclater; l’ouragan s’approche, grossit; un immense trait chromatique, parti des hauteurs de l’instrumentation, vient fouiller jusqu’aux dernières profondeurs de l’orchestre, y accroche les basses, les entraîne avec lui et remonte en frémissant comme un tourbillon qui renverse tout sur son passage. Alors les trombones éclatent, le tonnerre des timbales redouble de violence; ce n’est plus de la pluie, du vent, c’est un cataclysme épouvantable, le déluge universel, la fin du monde. En vérité, cela donne des vertiges, et bien des gens, en entendant cet orage, ne savent trop si l’émotion qu’ils ressentent est plaisir ou douleur ».
Cinquième mouvement : Allegretto en fa majeur -
Hirtengesang. Frohe und dankbare Gefühle nach dem Sturm (Chant des bergers. Sentiments joyeux et de reconnaissance après l’orage)
Cet allegretto débute piano : la clarinette joue avec douceur, suivie par le cor, et les violons chantent pianissimo le thème principal.
Mais le mouvement va se développer, souvent fortissimo, en de sublimes variations.
Il s’agit bien d’un hymne, au tempo retenu. La symphonie se termine en une grande coda majestueuse.
Berlioz écrit à ce sujet :
« La symphonie est terminée par l’Action de grâces des paysans après le retour du beau temps. Tout alors redevient riant, les pâtres reparaissent, se répondent sur la montagne en rappelant leurs troupeaux dispersés; le ciel est serein; les torrents s’écoulent peu à peu; le calme renaît, et, avec lui, renaissent les chants agrestes dont la douce mélodie repose l’âme ébranlée et consternée par l’horreur magnifique du tableau précédent ».
Conclusion
Cette symphonie est un chef-d’œuvre d’une bouleversante beauté qu’on écoute toujours avec une certaine émotion et dont on ne se lasse jamais.
Elle a inauguré un genre nouveau d’œuvres symphoniques poétiques et évocatrices, et peut se flatter d’une descendance féconde.
Ainsi des œuvres comme "La symphonie Ecossaise" de Mendelssohn, la n°1 " Printemps" de Schumann, la Fantastique de Berlioz , la deuxième symphonie de Brahms, la Moldau de Smetana, etc. se réfèrent à la nature.
Mais aussi, plus près de nous, ce thème a su être exploité par des compositeurs tels que : A. Bruckner (Quatrième symphonie), G. Mahler (Troisième symphonie et le Chant de la terre), A. Honegger (La "Pastorale d’été"), C. Debussy (La Mer), R. Vaughan Williams (La Troisième " Pastoral Symphony"), R. Strauss (Symphonie Alpestre) et aussi I. Stravinsky (Le Sacre du Printemps), O. Respighi ou O. Messiaen (Les Oiseaux), etc.
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