Présentation réalisée par Daniel Achache

Cette œuvre, cataloguée comme "musique de circonstance", est rarement jouée, et aussi rarement enregistrée.

Le titre, traduction littérale de l’allemand, Die Ruinen von Athen parait énigmatique : il aurait été préférable de le traduire par Le déclin d’Athènes.

On connait généralement l’ouverture, figurant dans toutes les intégrales. Deux autres morceaux méritent l’attention : la marche turque et le chœur des derviches. Mais il y a aussi un beau duo, un bel air de basse et surtout de beaux chœurs.

L’œuvre est une musique de scène, avec soprano, baryton ou basse, chœur et grand orchestre. Un récitant intervient parfois, de façon ponctuelle.

Elle fût composée durant l’été 1811, en même temps que Le Roi Etienne et la création eut lieu le 9 février 1812 à Pest, à l’occasion de l’ouverture de son théâtre.

August von Kotzebue, auteur très apprécié à l’époque, avait conçu Le Roi Etienne comme lever de rideau, suivi des Ruines d’Athènes. L’argument de la présente œuvre a été jugé comme « un chef d’œuvre de stupidité et de mauvais goût ». En effet l’action est un curieux mélange d’éléments anciens et orientaux puisqu’elle se passe en Grèce, sous domination turque.

Après l’ouverture (voir : analyse de l’œuvre), la musique de scène est composée de 8 morceaux :

1- CHOEUR DES ESCLAVES GRECS

Andante poco sostenuto / mi bémol.
« Töchter des mächtigen Zeus !erwache ! « (fille du puissant Zeus !réveille-toi !)
Il débute par un appel des cuivres. C’est un beau chœur puissant et émouvant, implorant Minerve et répétant « erwache » (réveille-toi).

2 - DUO (un esclave & une esclave Grecs : baryton/soprano)

Aandante con moto-poco piu mosso / sol mineur.
« Ohne Verschulden Knechtschaft dudden, harte not » (endurer la servitude et la misère sans l’avoir mérité).
Le thème se retrouve dans l’ouverture.C’est un beau duo dans lequel 2 esclaves se lamentent sur leur condition.

3 - CHOEUR DES DERVICHES

Allegro ma non troppo / sol majeur.
« Du hast in deines Armels Falten den Mond getragen, ihn gespalten, Kaaba ! Mahomet ! » (dans les plis de tes manches tu as porté la lune, tu l’as fendue. Kaaba ! Mahomet !).
C’est un morceau remarquable : on entend des Turcs chanter en allemand et crier « Mahomet ». A noter l’accompagnement « tournoyant » des cordes et l’usage de castagnettes et de grelots. La musique se termine en s’éloignant.

4 - MARCHE TURQUE

Vivace / si bémol.
Ce thème avait précédemment été utilisé par BEETHOVEN dans les variations pour piano op.76. Contrairement à la marche turque de MOZART dans sa célèbre sonate, notée « allegretto », ici le tempo est vif.
L’instrumentation est évidemment « turque », avec piccolo, triangle, cymbales et grand tambour. Comme dans le morceau précédent la fin est « diminuendo ».

5 - MUSIQUE EN COULISSES PAR UN ENSEMBLE D’HARMONIE

Allegro assai ma non troppo / ut majeur / avec récitant.

6 - MARCHE SOLENNELLE ET CHOEUR (chœur des prêtres-chœur des vierges)

Assai moderato / mi bémol
La marche solennelle est d’abord jouée par les vents, sur une partie parlée, suivie du chœur : « Schmückt die Altäre ! » (ornez les autels !).
Ensuite , la marche est reprise,jouée par tout l’orchestre.

6a R écitatif du grand prêtre, avec orchestre :
 « Mit reger Freude » (recevez avec joie..)

7 - CHŒUR MIXTE

Il intervient,de façon émouvante dans un pianissimo dolce : « Wir tragen empfängliche Herzen im Busen » (nous portons un coeur sensible en notre sein) .

Il est suivi de :
7a - L’AIR DU GRAND PRETRE (air de basse)
« Will unser Genius noch einen Wunsch gewähren » (si notre Génie, ému par les prières pieuses…)
L’introduction est jouée par 4 cors et 2 bassons.
C’est un très bel air de basse, rappelant ceux de Zarastro de la « Flûte enchantée »..
Suit : « Er ist’s ! Wir sindt erhört ! O Vater Zeus! » (c’est lui, nous sommes exaucés ! O pére Jupiter ), repris par tout le chœur.

8 - LE CHŒUR FINAL

Allegro con fuoco / la majeur
« Heil unserm König ! » longue vie à notre Roi !
Il rappelle indiscutablement la fin de la Fantaisie Chorale op.80.

Elle est très succincte. Voici où en trouver quelques-unes sur internet, en neuf ou en occasion, en France .

Aussi, on citera pour mémoire, des enregistrements anciens :

• la première version connue, celle de Walter GOEHR, vers 1950, enregistrée par la Guilde Internationale du Disque ;

• une deuxième, enregistrée par la même firme, vers 1965-1970, dirigée par David JOSEFOWITZ.

Actuellement on peut trouver les versions de :

- Sir Thomas BEECHAM dirige la Beecham Choral Society et le Royal Philharmonic Orchestra (EMI ou Vox) 

- Bernard KLEE avec l’orchestre philharmonique de Berlin, le chœur RIAS, Arleen AUGER, Franz CRASS. Cet enregistrement se trouve dans l’intégrale des musiques de scène (DG) 

- Geza OBERFRANK, comprenant les musiques de scène du Roi Etienne et des Ruines d’Athènes, avec le chœur et l'orchestre philharmonique de Budapest (Hungaroton).

- Dennis RUSSELL DAVIES et l'Orchestre de St. Luke, enregistrement de 1990, également avec la musique de scène pour Egmont (EMI) 

- Hans-Hubert SCHONZELER, les solistes, le chœur & l'orchestre symphonique de Berlin - set de 3 CD avec la 7e symphonie, le Christ au mont des oliviers, la Fantaisie chorale (Concerto Royale) 

- Stanislaw SKROWACZEWSKI (seulement quelques-uns des numéros), dirigeant le Minnesota Orchestra - 2 CD (Vox) 

A noter également, la version de Richard Strauss :

- Karl Anton RICKENBACHER, avec le chœur et l'orchestre de Bamberg (Koch Schwann).

Voici, enfin, la réédition d'un enregistrement (réalisé en 1989) des musiques de scène d'Egmont et des Ruines d'Athènes, le tout sur un seul CD.

Egmont comprend 9 numéros précédés de l'ouverture et Les Ruines d'Athènes 8 numéros précédés de l'ouverture.

Si le livret est tout en anglais, à noter tout de même que l'ensemble des textes de chaque numéro est inclus dans le livret, en allemand et en anglais.

Un CD rare pour des œuvres dont on ne connaît souvent que les ouvertures.

Adaptant les Ruines d'Athènes et les Créatures de Prométhée, Richard Strauss créa une œuvre remarquablement homogène et extrêmement plaisante.

Dix sept numéros musicaux pour solistes et orchestre présentent une nouvelle œuvre, très proche de Beethoven.

Défendant Beethoven, Strauss écrivait : "Incroyable comme la presse peut se répondre en stupidités sur les faiblesses de ce Beethoven là ! ".

Et Richard Strauss prouve que ce "Beethoven là" n'est pas à négliger !